25 mars 2024
L'avis de Jacki Maréchal à propos de mes deux derniers livres (disponibles à la librairie Buffet pour les personnes d'Oyonnax et sa région) :
00:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, lecture, les fantômes de ma tante, christian cottet-emard, humour, roman, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, blog l'annexe, nuel, orage lagune express éditions, christian cottet-emard, fantômes de ma tante, livre, nonsense, absurde, humour anglais, roman humoristique, club cigare, joaquim vaz de andrade, club cigare info, une folle nuit d'amour ou un bon dîner chez lapin ?, porto, portugal, douro, fleuve, orage lagune express, vila nova de gaïa, pont luís
18 janvier 2024
Conseils aux écrivains qui s’installent à la campagne
Les villes connaissent un tel développement qu’on finit par y rencontrer trop d’êtres humains. Le contact humain est comme toutes les bonnes choses, il ne faut point en abuser. Aussi avez-vous décidé d’écrire à la campagne. Bien, mais n’oubliez pas que les êtres humains peuplent aussi les zones rurales. Vous pourriez en croiser un lors de vos promenades, y compris dans les forêts les plus profondes.
Lors d’une rencontre inopinée avec un autochtone, préférez le classique bonjour au problématique holà mon brave ! peu prisé des ruraux du vingt-et-unième siècle et encore moins des néo-ruraux, vous savez, les citadins en rupture qui construisent à côté de leurs fermes rénovées des yourtes, des wigwams ou des tipis pour y animer des stages avec hébergement Feng shui tels que Développement personnel et lombriculture, Tondre la chèvre angora ou Reconnaître une empreinte de dinosaure. Si l’autre promeneur ne vous a pas détecté, vous pouvez toujours vous carapater dans un taillis ou vous dissimuler derrière un buisson mais j’attire votre attention sur les risques d’une telle stratégie en période de chasse, surtout si vous avez jugé opportun d’étrenner ce jour-là Loden et chapeau tyrolien à plume.
La vie à la campagne ne nécessite pas d’habit particulier mais ce n’est pas une raison pour survoler tout nu le potager comme des néo-ruraux de ma connaissance qui proposent un stage Accro-branche et sauna finlandais. N’en rajoutez pas trop dans l’élégance rustique. Le costume de tweed n’est pas indispensable, au comptoir de la supérette locale, à l’achat d’une baguette, d’une bouteille de rouge et d’un fromage surpris en flagrant délit de tentative d’évasion. Misez plutôt sur de bonnes chaussures adaptées aux longues soirées d’hiver pour lesquelles je recommande les pantoufles à motifs écossais de la marque J’y vais (100 % laine avec semelles antidérapantes) bien que les dérapages en pantoufles soient assez rares. À la campagne, la tentation est grande de chausser les pantoufles en permanence. Si vous avez tendance à les porter même pour les courses à la supérette, reprenez-vous tant qu’il est encore temps. Peut-être avez-vous besoin de vacances en ville ?
Venons en maintenant aux problèmes de voisinage auxquels vous pouvez être confronté car le voisin est une espèce humaine si répandue qu’il a conquis même les territoires les plus reculés avec, évidemment, une prédilection pour votre espace vital personnel. Ces problèmes portent le plus souvent sur des aspects triviaux de l’existence que je m’excuse par avance d’avoir à traiter auprès de mes très littéraires, estimables et distingués lecteurs et lectrices.
Ainsi que cela se produit aussi en ville, les animaux de compagnie sont à l’origine des tensions les plus fréquentes mais la vie en zone rurale doit vous conduire à une plus grande circonspection. Par exemple, dans le cas d’une pollution organique de votre pelouse, avant d’accuser votre voisin le plus proche, je veux dire l’animal domestique de votre voisin, inspectez avec attention l’objet du délit dont le coupable n’est peut-être qu’une bête sauvage. Pour l’identifier, je ne connais pas de meilleur ouvrage que le Guide des traces d’animaux de messieurs Preben Bang et Preben Dahlström (éditions Delachaux & Niestlé) que vous ouvrirez en dehors des heures de repas aux chapitres intitulés Laissées, crottes et fientes et pelotes de réjection comportant des doubles pages avec des illustrations grandeur nature.
Puisque nous évoquons les animaux, admettons une fois pour toutes que l'écrivain de la campagne n’a pas obligatoirement besoin d’un chien. Si vous tenez absolument à vous faire photographier en compagnie d’une de ces créatures en vue de la publication de votre portrait dans le hors-série Écrivains et terroirs d’un célèbre magazine animalier, empruntez ou louez le canidé.
C’est ce qu’avait fait mon proche voisin, jadis auteur à succès, qui s’était ainsi entiché après usage d’un Saint-Bernard excessivement baveux dont les vieux jours furent gâchés par l’arrivée à la maison du chat Sir Alfred. Je pense que la principale qualité du Saint-Bernard se limite au tonnelet d’eau de vie qu’on lui attachait au collier dans le bon vieux temps. On doit pouvoir aisément se procurer le tonnelet sans le Saint-Bernard.
La campagne, source d’inspiration ? Voyez les réactions de votre éditeur. S’il ne donne plus signe de vie depuis l’envoi de vos nouveaux manuscrits (un recueil de poèmes intitulé Le Vieux biniou, une monographie traitant du hameau de Corneille-en-Désert après l’exode rural et une biographie du justement méconnu Aimé Duchemin, poète à ses heures et rien de spécial le reste du temps), posez-vous la question.
Extrait de Tu écris toujours, manuel de survie à l'usage de l'auteur et de son entourage. (Édition intégrale).
Pour les habitants d'Oyonnax et sa région, ce livre est en vente au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax au prix de 10 €.
01:19 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tu écris toujours ?, feuilleton, humour, christian cottet-emard, blog littéraire de christian cottet-emard, édition, condition d'auteur, orage lagune express, le pont du change, magazine des livres, joseph vebret, david miège, dominique goubelle, dessinateurs, jean-jacques nuel, lafont presse, campagne, écrivains, conseils
04 décembre 2023
Une folle nuit d'amour ou un bon dîner chez Lapin ? (Extrait)
Porto depuis le Pont Luís. Photo Ch. Cottet-Emard
La matinée était déjà bien entamée mais d’ici vingt heures, j’avais largement le temps de tenter une nouvelle visite au domicile de Béatrice Domenc. Je franchis donc de nouveau le Pont Luís en direction de Vila Nova de Gaia. Depuis la rambarde, la vue vertigineuse sur Porto et le Douro transforma mon anxiété diffuse en angoisse. Que faisais-je ici ? Je me sentais comme un rat de laboratoire soumis à des expériences destinées à tester et analyser son comportement. Peut-être avais-je perdu Madeleine et pourquoi ? Pour une simple remarque de travers ? C’était absurde.
L’arrivée devant le petit restaurant de Dona Lucinda me réconforta un peu. J’entrai directement dans la cour, franchis la deuxième porte, gravis l’escalier et fis grésiller le bouton de sonnette. La porte s’ouvrit doucement. Bonjour madame Domenc, je suis le mari de Madeleine. Puis-je entrer ? Béatrice Domenc sourit et me céda le passage d’un geste de la main. Madeleine m’avait dit qu’elles avaient le même âge mais je notai que son amie affichait un style complètement différent. Sa chevelure grise encadrait un visage à l’expression un peu molle. Elle referma la porte et m’indiqua un fauteuil maigrichon en rotin qui émit d’inquiétants craquements lorsqu’il recueillit mes quatre-vingt-cinq kilos. Voulez-vous boire quelque chose ? proposa-t-elle en ajustant l’ample robe imprimée dans laquelle flottait sa silhouette frêle.
L'appartement où il me semblait détecter une trace du parfum de Madeleine était constitué d’une grande pièce avec deux fenêtres protégées de rideaux occultants. On devinait dans le fond une alcôve ainsi qu’une kitchenette aménagée dans un renfoncement qu’une porte accordéon en plastique marron était censée dissimuler. La décoration du séjour sortait tout droit des années soixante-dix avec des arbres de vie tendus sur les murs, des foulards indiens posés sur des abat-jours, un canapé deux places et un fauteuil crapaud.
Béatrice Domenc apporta une infusion qu’elle mit une éternité à servir avec des gestes savants dans de petits bols qu’elle disposa sur un plateau métallique oriental en équilibre sur un pouf en cuir puis s’assit en face de moi sans se départir de son sourire. Boire chaud est préférable quand on veut vraiment se désaltérer énonça-t-elle doctement. Pas convaincu, je portai avec prudence le bol à mes lèvres et le reposai aussitôt en raison de l’odeur de poussière du breuvage et de son goût de vieille betterave oubliée à la cave. Ça vous ennuierait si on se tutoyait ? Parce que j’ai perdu l’habitude de dire vous aux gens depuis que j’ai refait ma vie ici. Non, pas vraiment, répondis-je en pensant que rien ne m’énervait plus que ces gens qui vous tutoient deux minutes après vous avoir rencontré pour la première fois.
Domenc accentua son sourire figé qui m’énervait aussi. Tu as donc fait tout ce voyage parce que tu penses que Madeleine est venue se réfugier chez moi après votre dispute ? On ne s’est pas vraiment disputés, rectifiai-je, il s’agit plutôt d’un malentendu. Domenc hocha la tête d’un air amusé. Ah oui, pardon, ce genre de nuance m’échappe un peu depuis que je suis divorcée. Désolé de vous rappeler de mauvais souvenirs, risquai-je sans céder au tutoiement. Domenc me scrutait avec amusement ou condescendance, de toute façon, j’en étais irrité dans les deux cas. Pendant qu’elle prenait une autre gorgée de sa tisane de poussière, je l’observai à mon tour.
Elle n’était pas trop mal dans son genre, plutôt bien conservée. Je parie que tu es en train de te dire que je suis bien conservée pour une femme de mon âge, pas vrai ? Euh, oui, balbutiai-je, troublé. Et j’ajoutai : oui, vous êtes très bien. Un léger voile effleura son sourire. Pourtant, il manque quelque chose, soupira-t-elle, à quoi je ne pus rien répondre de plus original que : je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Elle se leva, s’approcha, prit brusquement ma main et la plaqua contre sa poitrine. Il m’en manque un, tu sens ? J’étais si abasourdi que je restai pétrifié quelques secondes avant de trouver la répartie : oui, mais l’autre continue de vous avantager. Elle rit et retourna s’asseoir.
Toi au moins, tu ne manques pas d’esprit. Ce n’est pas comme mon mari. Il m’a plaquée juste après mon opération. Il faut croire que pour lui, une femme qui n’a plus qu’un sein n’est plus une femme. C’est ridicule et injuste, dis-je. Elle haussa les épaules. Je t’épargne les détails, la dépression, la rage et tout le reste, et après la vie qui reprend le dessus parce qu’il n’y a pas d’autre choix et enfin ma décision de m’installer ici, dans cet endroit du monde qui me plaît. Ça fait maintenant cinq ans et jamais je ne me suis sentie aussi bien que dans ce petit appartement qui sent la frite mais qui suffit désormais à mon bonheur.
Elle se leva de nouveau et ouvrit les rideaux, dégageant la vue sur les quais animés du Douro. Je crois que pouvoir contempler ça tous les jours grâce à Lucinda qui ne me demande qu’un loyer symbolique a contribué à me redonner une santé. Dans cette nouvelle vie, je n’ai de comptes à rendre à personne mais je dois quand même reconnaître que je n’avais pas prévu de finir célibataire, sans enfants de surcroît.
Le sourire de Béatrice Domenc ne m’irritait plus du tout. Je fus tenté de lui assurer qu’il n’était pas trop tard pour rencontrer un homme digne d’elle mais je jugeai cette remarque stéréotypée indigne de la situation. Je décidai maintenant de la tutoyer. Vous dites, pardon, tu dis que ton appartement sent la frite mais il m’a aussi semblé reconnaître quelque chose d’assez proche du parfum de Madeleine, or c’est une marque plutôt rare. Je serais étonné que tu portes le même… Béatrice hocha la tête. Tu as non seulement de l’esprit mais du nez. Madeleine est passée me voir ce matin puisque c’est cela que tu veux savoir mais elle est repartie avec son amie.
Pour les personnes d'Oyonnax et de sa région, ce roman est en vente au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax au prix de 10 € (format poche).